interprété par Evgeny Kissin.

« Beaucoup d’autres petites pièces auraient pu prendre place dans les recueils de bagatelles. L’une d’elles est le rondo a capriccio op. 129, qu’il composa en 1795 et qu’on trouva dans ses papiers après sa mort, pas tout à fait achevé. C’est Diabelli qui fit les additions nécessaires et le publia peu de temps après sous le titre La colère pour un sou perdu. Ce titre figurait sur le manuscrit original mais n’était pas de la main de Beethoven et on ne sait pas si celui-ci avait l’approbation du compositeur ».source wikipedia

Millions of Led

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Petite série de liens :

(suite…)

Pierre-Didier, malgré les efforts ou les non-efforts de son minable propriétaire, ne meurt pas. Il est même fort à parier qu’il apprécie derrière les vitres de son bocal en plastique sale voir ses voisins taper la carte à heure régulière, 14h15, 15h15, 17h15; sournoisement interrompus par le nouveau patron, qui au fond de lui-même regrette amèrement ses ricanant moments de détente professionnelle qu’il ne peut partager. Pierre-Didier rit de bon cœur de poisson, mais personne ne peut le remarquer, aveugler par l’épaisse soupe glabre et opaque dans laquelle il va puiser le CO2 nécessaire à sa survie à la grande admiration, d’ailleurs, des femmes qui viennent prendre de ses nouvelles. Je n’ai pas encore pu lui présenter l’homme à la mèche, un autre gros poisson si vous me permettez l’expression. Cependant que les employés, aux environs de midi, peaufinent leur curriculum vitae, les quatre ou cinq plus belles du bureau s’apprêtent et se parfument fébrilement, car il y a qu’elles vont toute ensemble déjeuner avec l’homme à la mèche.

J’ai commencé il y a quelques semaines la lecture du Chagrin des belges, le célèbre roman d’Hugo Claus. Je m’étais dit en l’achetant que cette œuvre louée et recouverte d’éloge allait me procurer le plaisir du Classique et assouvir mon goût pour l’idée du roman national. Ici, la patrie est la Flandre, pays de sang qui est le mien. J’allais entrer pour une fois dans ses entrailles à travers ce qui se présente comme une chronique provinciale. A plusieurs reprises, j’ai voulu ici en toucher quelques mots, à commencer par la regrettable présentation du livre, qui en quatrième de couverture propose une citation bancale et quelconque d’un journal (Le Monde) qui a laissé paraître l’idée que La République fût un livre rédigé par Socrate. La courte biographie de l’auteur, la citation en sus donnent la pénible impression d’une œuvre de circonstance, hâtivement rééditée pour satisfaire aux curiosités de l’im-médiate actualité, Hugo Claus s’est plus ou moins donné la mort (par euthanasie) il y a quelques mois, ce qui a comblé d’aise et de roucoulement toute la clique de la bourgeoisie anversoise, qui n’a pas manqué d’assister bruyamment aux obsèques télévisées. Défunte subversion. La première partie qui conte l’enfance de Louis Seynaeve avant la seconde Guerre Mondiale et brosse le portrait des membres de sa pittoresque famille pose d’emblée le roman comme un roman d’apprentissage, dont on pressent à travers la malice de l’auteur, que ce peut être un roman d’apprentissage sans finalité, un roman d’apprentissage vers rien (apprendre à être belge?). On peut aussi lire ce roman comme une œuvre d’autofiction et suivre le cheminement de l’auteur à devenir tel qu’il s’est défini subtilement « un flamingant francophone ». (suite…)

En furetant dans les bacs en bois d’un brocanteur du boulevard A., j’ai parcouru quelques lointaines éditions d’une revue qui avait mes faveurs à l’université et qui était négligemment coincée entre telles revues de sociologie belge de l’entre-deux-guerre ou telle autre de science politique d’une province française enfouie dans laquelle se distinguait un enseignant mien spécialiste d’analyse des données textuelles et qui connut son heure de gloriole lorsqu’il affirma que Corneille et Molière ne faisaient qu’une et seule même personne. Cette revue coûtait à l’époque quatre-vingt-neuf francs. On pouvait désormais s’en procurer pour une somme dérisoire, un euro. D’aucuns, -des grincheux-, prétendent que c’est la juste mesure qui sépare le magistère de Paul Thibaud aux gesticulations des successeurs. Mais je ne les rejoindrais pas là sur ce terrain pentu et glissant, je me bornerais à de simple constats de portefeuille d’apothicaires. Un exemplaire retint mon attention. En mai 2003, Esprit publia un dossier sur Günther Anders, le philosophe allemand, qui avait attiré mon attention par le biais d’un titre gracieux et profond, d’apparence, l’obsolescence de l’homme. De surcroît, la revue nous promettait une critique* de l’œuvre de l’écrivain John le carré, que je connais peu, sauf par l’ouï-dire dithyrambique de mon ami roulio. Je vous en fais un petit résumé, avant d’envoyer par courrier postal une impression dudit article à mon ami kosovar (car roulio s’appelle de son vrai nom roulio-du-kosovo).

D’après Percy Kemp, le grand mérite de John le carré fut d’introduire dans ces récits d’espionnage le facteur humain au cœur de la mécanique implacable de la guerre froide. Celle-ci, en effet, par le biais de l’idéologie, avait mis de côté les notions de « rivaux » (avec qui on peut vivre) pour laisser place aux « ennemis irréductibles » (qu’on doit anéantir), aussi ignorants et fermés de l’un à l’autre. La guerre froide, symbolisé par le Mur de Berlin, se caractérisait par un état de tension extrême entre acteurs qui ne se connaissaient pas, où rien ne se passait avant l’imprévisible et soudain moment du chaos fatal. John le Carré restitue les manigances de l’ombre en appuyant sur les émotions proprement humaines (jalousie, trahison, amour, ambition, vengeance) qui ont déjoué l’apparente mécanique de guerre froide. Ainsi, avec la Trilogie de Smiley, John le Carré aurait fait pour ce conflit le poème épique que Tolstoï fit pour les guerres napoléoniennes, que Shakespeare fit pour la guerre des Deux-Roses, et qu’Homère fit pour le guerre de Troie.
Je crois savoir, cher roulio que c’est surtout la complexité des intrigues qui nourrit votre enthousiasme, mais est-ce que ce que semble dire ce lecteur y a-t-il sa place?

*Percy Kemp, Un espion naïf et sentimental, Portrait de John le Carré, Esprit, mai 2003

Si on se tient au mot Gewalt que l’on traduit de l’allemand par violence sans prendre en compte que dans la langue de Hölderlin et d’Herr Kinzler, elle n’a pas la seule connotation péjorative du français, car elle comprend quelque chose d’axiologiquement neutre en incluant dans sa définition les termes de force et d’autorité politique et spirituel, on comprend mieux en ce lundi soir la phrase de Weber sur l’État comme détenteur du monopole de la violence légitime. Si en plus, on transfère les propriétés de la Violence à la Technique, comme une archê, c’est-à-dire « ce qui met en branle un processus », on part se coucher de satisfaction et de honte mêlées se disant qu’on vient d’entr’apercevoir dans les rais lumineux de nos paupières tombantes quelque chose de fondamental, de lourd pour l’humanité ou d’encourageant pour notre petite intelligence selon que l’on se place ou pas du bon côté du Bonheur universel.
Nous parlâmes de la joie mauvaise qui secoua comme des possédés l’ensemble de la presse au sujet de la crise financière et du système économique qui va à vau-l’eau. Bien sûr, nous y voyons un tropisme gaucher (bolshy) dans les consciences pures et objectives des salles de rédaction, le monde diplomatique, l’éminent, le respectable Monde Diplo a barré sa Une, derrière laquelle on imagine bien se contorsionner de bonheur et de grandeur moralisatrice les éditorialistes, « le jour où Wall Street est devenu socialiste ». La presse s’est payée le marché. Sous ces injonctions, le capitalisme va cesser d’exister. En parallèle se déroule, et sans qu’on comprenne bien pourquoi la foire corporatiste tient place dans l’Agenda présidentiel, les États généraux de la presse. Le chef de l’État y a tenu discours devant des professionnels de la profession soucieux et profondément méditatifs avant et après la digestion. Entre autres choses, on y apprend par le biais d’une jolie expression dans notre canard fétiche (« tendre la sébile ») que le budget de l’État réserve une enveloppe de 284 millions d’euros pour le secteur. Nous l’ignorons, mais les journaux, loin d’être de fières groupes indépendants, ressemblent davantage à des demi-associations subventionnées. On comprend mieux leur aversion du marché. Le marché les a plumé. Et il est donc déontologique de dire du bien de son bienfaiteur et de nourrir rancœur et amertume. A ce titre, les professeurs proliférant dans les cursus de l’économie et social dans la grande maison de l’Educ-Nat prodiguent la bonne parole théorique de l’État et les vertus de l’impôt, dont ils sont, il ne faut pas l’oublier, les bénéficiaires.
Par quelque occasion, l’État ne manque pas de rappeler de sa nécessité et de son emprise tous les jours grandissante.

*Agenda : ce qui doit être fait
* »Et l’écueil d’une nouvelle mise sous perfusion de la presse habituée par l’Etat depuis des années à « tendre la sébile » (284 millions d’euros d’aides directes à la presse budgétées en 2009) », les Echos du deux octobre

Les lobbys obscurantistes, les populistes, les enfonceurs de système, les malins de l’apocalypse, les vendeurs de présages fous et sensationnels en auront pour leur grade. Je me permets de reproduire le texte d’Augustin Landier et David Thesmar. J’enfonce le clou et je crie avec les vautours. (suite…)
Pour peu qu’on accorde à ce modeste blog, valeur de témoignage dans des temps futurs, je me dois donc de livrer aux curieux mes impressions de particulier balayé de plein fouet par la crise financière, « le 11 Septembre financier », qui ébranle tout sur son passage. Probablement, cette crise aura un avant et un après, comme tous les lundis noir, les 21 avril ou annus horribilis de saison. Tout le monde se rappelle de son 11 septembre 2001, je ne voudrais pas avoir l’air finaud, à la question : « que faisiez-vous en Septembre 2008? ».

L’entreprise qui m’emploie croît fortement et satisfait aux injonctions de croissance de notre propriétaire, lui même un fonds d’investissement anglo-saxon. Le marché de niche dans lequel nous sommes confortablement cramponné est profitable. Ici, la crise n’a pas autant de répercussions sonores que le chahut des employés, seul, le dollar bas a minoré quelques unes de nos performances, c’est du moins l’excuse pour ne pas gonfler nos augmentations. Pourtant, tout mon département est secoué par une vague de départ, de démissions et de claquements de porte, comme si les rats quittaient l’opulent navire. Certains, même, quittent leur poste, sans avoir trouvé un autre gagne-pain, arguant qu’au bout du préavis, ils auront basket à leur pied. Le marché est ouvert. C’est largement possible de gagner plus à l’extérieur. C’est dire si la crise nous fait bien rigoler. Il sera même possible, fort de ce pouvoir de pression, de gagner plus en travaillant moins dans quelques semaines. Cela vaut, bien sûr, si vous avez quitté la France.

Tel un imperturbable lumignon dans les décombres de France-Culture, nous nous attendions à ce que Répliques, l’émission d’Alain Finkielkraut, rempile pour sa vingt-et-unième saison. Pourtant, samedi, nous eûmes droit à une rediffusion. Certes, la nouvelle saison propose quelques émissions, encore accessible sur le site, mais le programme des prochaines semaines tarde à s’afficher. Le climat ambiant dans la station ou peut-être l’état de santé de Finkie laissent craindre une suspension de ce programme indispensable. L’année de Saint-Paul, je n’ose pas y croire…
En franchissant le Mississippi, l’automobiliste quitte les terres du Wisconsin pour rejoindre le Minnesota, fleuron tranquille du Midwest. Le Minnesota, mon Minnesota, n’est pas seulement la terre natale de Brandon Walsh, cet état du « frosty belt » a accouché également de Bob Dylan et Prince. C’est dire si la contrée se distingue parmi les autres états agricoles du Midwest. A quelques encablures du Wisconsin, se dressent les twin cities, St Paul et Minneapolis, rivales et jumelles. St Paul, la capitale administrative, Minneapolis, la capitale économique se repoussent et s’embrassent, mêlées par la banlieue qui s’étend et ne se distingue plus. Les allemands, les norvégiens, les français descendant du Canada ont relégué les indiens dans quelques réserves après avoir fait main basse sur le commerce au point d’en faire un centre économique important, trente entreprises parmi les plus riches du monde, 3M, des mineurs qui ont inventé le scotch, Honeywell, Carlson. L’hiver est terrible, créant une solidarité entre les gens, affables et humbles, tranquilles. On y voit ici des joggeurs dans des banlieues bordées de centres commerciaux identiques. C’est du moins l’impression partielle que j’ai eu. Je ne connais pas Duluth, qui sur les bords du lac supérieur, inaugure la route de splendides paysages.
Carla Sarkozy, lors d’un long entretien publié dans un quotidien français, avait déclaré : « je suis épidermiquement de gauche ». Révélatrice, cette citation d’une grande bourgeoise (et ce n’est pas un reproche) qui illustre un nouveau cheminement dans l’histoire des idées. Jadis, en effet, être de gauche était le fruit d’un parcours intellectuel, éclairé par le savoir et la connaissance, qui nous faisaient basculer dans le camp du progressisme, de l’avant-garde, délesté des oripeaux de l’obscurantisme conservateur. (suite…)
Le Wisconsin, mon Wisconsin pour parodier Hillary, se pose comme un État charnière entre les deux centres économiques du Midwest, Minneapolis et Chicago. Les terres désolées, les campagnes agricoles lui valent la réputation d’être le « Dairyland of America ». C’est ici en effet que les migrants teutons et helvètes, peu regardant sur l’hiver rugueux à l’époque des exodes religieux, ont amené et développé leur science de la bière (à Milwaukee) mais surtout du lait et du fromage (et de la canneberge à Warren, mais c’est anecdotique). Pour cette raison, d’ailleurs, le Wisconsite est aussi connu sous le sobriquet un peu moqueur et péjoratif de « cheesehead », dont eux même s’amusent en portant souvent sur la tête un inélégant chapeau en forme de gruyère. En traversant la contrée par les grands hasards du tourisme, nous vîmes des obèses, des Amishs, des gens qui, en général, s’attirent toutes les moqueries des centres urbains du monde entier, sourcilleux des bonnes vieilles valeurs pro-choice, diététique et éclairées. La visite du lieu-dit Black River Falls nous confirma cette impression d’étrange Twin Peaks. A ces quelques détails, chers amis qui avaient la fibre politiste, je sens que vous jugez les citoyens de l’État comme des fieffés électeurs républicains de la première heure et des enthousiastes de Mrs Palin. Je dis : « wouaw ». L’automobiliste (s’il existe et ils sont peu ou alors n’ont pas leur permis) se demandera pourquoi les habitants du coin affichent leurs origines allemandes (parce qu’ils n’ont pas connu la seconde Guerre Mondiale?). Les premiers immigrants allemands ont emmené dans leur bagage une solide conviction sociale démocrate (sociale libérale) qui fit du Wisconsin un des États les plus avancés dans la protection sociale des ouvriers et de Madison, une des villes les plus left-leaning du pays. L’Etat dispose de nombreuses usines, dans la construction automobile, entre Beloit et Janesville, nous vîmes une usine Chrysler, la papèterie, l’agroalimentaire, si bien que les syndicats ont prospéré aux côtés d’un environnement universitaire enclin au progressisme, à Madison, notamment, siège de l’université du Wisconsin. Etonnant, vous dis-je dans l’État qui a vu naître Harley-Davidson.

On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas tout d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. » Georges Bernanos, La France contre les robots

Au bureau, la vie continue, elle reprend même pendant la vacance de nos chefs et chèffes. J’ai appris par un document de format excel, laissé sur l’intranet que je serai relégué dans une situation marginale. Mes ruminations vont reprendre dans le lit de ma vie intérieure. La vie appartient aux ratés.

Pierre-Didier est tout blanc, il s’ébroue dans l’eau trouble, il s’accroche à sa vie de bureau, comme moi. Je le regarde tenir, stoïque. J’avoue que j’attends qu’il meurt, même si je ne connais pas son âge, -est-il d’ailleurs le moment venu de sa mort?

Le 28 août, le journal Libération, en une, affichait son titre : « le krach au bout de la rue », en écho à la phrase du président Hoover qui quelques jours avant la crise de 1929 plastronnait que la prospérité était au coin de la rue. Les programmes scolaires ont largement inculqué à leurs ouailles la fausseté et l’aveuglement de cette phrase benoîte et optimiste avant le désastre économique, que tout le monde connaît. Je suis donc étonné que nos titreurs se laissent, probablement aveuglés par leur joie mauvaise, glisser dans cette allusion mal venue. Puisqu’en se plaçant sur le même registre, on joue la comparaison avec le prophétisme angélique ou diabolique, l’incantation et pas le domaine factuel. Tous les jours, en effet, on nous prophétise la déroute du système, comme on l’eût constaté pour le système soviétique. Les prix du pétrole flambait selon la formule consacrée, une crise pétrolière sans précédent alimentait le fourneau des âmes trépidantes, son prix s’est dégonflé. L’immobilier défaillait, nos esprits malins mettaient tout le monde à la rue. Ce week-end a été noir. On entend les rires sataniques couvrir la faillite de la quatrième plus grande banque d’investissement (à ne pas confondre avec une banque de dépôt). Bien sûr, sévère est la crise, es liegt mir fern de contredire le vénérable Economist, la fin des modèles que constituaient General Motors pour le versant sociale et Dell pour l’aspect économique forcent les américains à une mutation, car il faut raison garder, cette crise est une des nombreuses qui ont secoué l’économie américaine ou pour voir ample, cosmique. Qui se souvient de l’éclatement de la bulle internet, de la crise de l ‘épargne (ici), du 11 septembre, et j’en oublie et des passes et des meilleurs?

Je me réjouirais d’une chose, c’est de l’érosion violente de la place de la finance dans l’économie mondiale.

Du livre écrit par nos deux journalistes, mentionnées il y a quelques jours, m’est resté une idée, qui a fait son petit bout de chemin dans mon cerveau. Vous verrez, ce ne sera pas long. Depuis la guerre, les entreprises faisant fortune, investissaient leur surplus dans de nouvelles activités, qui permettait de diversifier leur succès toujours plus grand, toujours plus étendu au sein de la matrice du grand complot capitaliste. C’est ainsi qu’apparaissaient les conglomérats. Il ne vous a pas échappé que désormais les grandes entreprises vendent certaines de leurs branches jugées non-stratégiques, car la tendance -moutonnière, comme toujours- est au pure player. Les entreprises investissent leurs bénéfices dans le domaine financier à l’aide de tous les artifices comptables et effet de levier qui leur rapportent des mille et des cents sans lever le petit pouce. Les entreprises ne produisent plus, elles placent leur argent, bien plus rentable. C’est la financiarisation de l’économie. S’ils s’en trouvent d’aucuns, de préférence journaliste ou millénariste, pour le regretter amèrement, j’en suis qui s’en trouve satisfait. Les sociétés produisent et nous vendent moins leur camelote, c’est donc moins de consommation et de gaspillage.

Comme je pars bientôt pour de longues vacances, j’ai fait quelques achats chez le libraire bruxellois ouvert le dimanche. Suivant des recommandations retenues au gré du vagabondage sur les blogs, voici ce que j’ai acheté, ou ce que je n’ai pas acheté, tout d’abord. J’ai saisi le gros volume, nommé Rannoch Moor, rédigé par R.Camus. Il est question, je crois, de longues descriptions d’îles écossaises qu’il a parcouru en l’année 2006. Les journaux de Camus produisent toujours leurs effets –leur sortilèges habituels– et ce ne n’est pas peu dire que j’en ai grand besoin après les lectures de bouquins estivaux, je suis allé en Écosse, de surcroît. Beaucoup de promesses, donc. Malheureusement, l’œuvre est inabordable financièrement parlant et il n’est guère plaisant, comme c’est souvent le cas, de lire que le livre qu’on parcourt sert à payer les dettes de son auteur. J’ai abandonné sur son étagère ce livre qui m’aurait coûté la somme des livres que je me suis procuré par la suite. Parmi eux, un livre de Dostoïevski, le bourgeois de Paris. Sur le dos de ce mince livre bleu, un commentaire grinçant contre les français. Je suis assez preneur des critiques anti-françaises, d’autant plus qu’elles paraissent ici taillées par la grande vigueur russe. Dans la préface, on nous prévient que Dostoïevski n’est pas un grand styliste, ce que j’ai lu à plusieurs reprises. Les premières pages ont confirmé cette idée désormais reçue. Dans mon panier, j’ai glissé en stoemelings, le chagrin des belges d’Hugo Claus. Cela me permettra de me familiariser avec la bourgeoisie flamande. J’avais remarqué une édition chez ma grand-mère. Je ne sais pas encore si je le lirai avant Je suis une légende, le roman de science-fiction américaine dont on ne peut ignorer la récente adaptation cinématographique. Le livre, comme support publicitaire au film, a l’affiche du film pour couverture. J’ai essayé de trouver une autre édition, plus décente, sans succès. Il n’est pas impossible que je déchire la couverture, ce n’est qu’un livre de poche. Enfin, lorsqu’on fait des achats, il faut toujours acheter un livre qu’à notre grande honte nous n’avons pas encore lu. J’ai acheté Ainsi parlait Zarathoustra, je pense souvent de temps en temps au titre allemand que j’aime comme une chansonnette. Also sprach Zarathoustra. Ce n’est pas sûr que je comprenne grand chose. Je ressortis avec un taux de satisfaction plus ou moins égale à celle d’un consommateur repu.

Les anti-OGM français en lutte contre Monsanto ont atteint leur objectif : 100 % des plantations expérimentales effectuées cette année par le géant américain dans l’Hexagone sont désormais détruites. Les dernières ont été arrachées vendredi dernier. A Valdivienne et Civaux, dans la Vienne, une centaine de faucheurs volontaires, dont José Bové, s’en sont pris à deux parcelles où le premier producteur mondial de semences génétiquement modifiées cultivait du maïs de type MON810. La destruction d’une troisième plantation, à Valdivienne également, a été découverte dans la foulée. Deux essais en Haute-Garonne et dans le Gers avaient déjà été visés en juin.

Cible de prédilection des militants anti-OGM, Monsanto a réagi hier par un communiqué vengeur, où le groupe dénonce « l’acte de vandalisme du 15 août », qui signe selon lui « le retard quasi irrattrapable de la recherche française en biotechnologie végétale ». « Un pays qui laisse une poignée d’obscurantistes saccager sa recherche se prive de toutes les promesses de progrès que celle-ci porte pour le présent et pour l’avenir », s’indigne Laurent Martel, le directeur de Monsanto France.

Les activistes qui ont participé à l’arrachage s’abritent, eux, derrière l’interdiction de la culture et de la commercialisation du MON810, en vigueur depuis février en France. Monsanto, pour sa part, souligne que ses expérimentations « ont préalablement reçu du ministère de l’Agriculture toutes les autorisations requises » et qu’elles font « l’objet d’un suivi continu de la part des services administratifs de la protection des végétaux ». Le décret du 9 février 2008 autorise en effet la multinationale à cultiver des parcelles de MON810 destinées aux essais, en dépit de l’interdiction qui frappe cette variété de semence.

Je me suis lancé dans la lecture d’un livre de journalistes. Je me suis dit que dans les gares ou dans les bus, voilà bien un livre que je finirais. J’ai laissé à quai Stendhal, Musil, Jivago – honte à moi qui deviens ce qu’il est – ce petit employé. De livre de journalistes, je n’en n’avais plus lu depuis la préparation au concours d’entrée dans mon école d’élite et au lycée, une biographie de Funès avec des images au milieu. Je soupçonne les auteurs Philippe Escande et Solveig Godeluck d’avoir laissé travailler quelques copistes de leur rédaction (les Echos), car je ne reconnais pas du tout la patte d’Escande, que j’apprécie tant les matins au bureau dans ses éditoriaux. Le style du livre est en effet journalistique. Les phrases me rappellent la déclaration de Kahn qui affirmait que les journalistes ne devaient plus écrire de longues phrases sous peine de ne plus être compris ou même être lu. Ici, des phrases sont coupées de leur verbe, à la manière d’un chapeau de Libération et cela participe du style le plus détestable, hélas. Le contenu n’est pas inintéressant, quoique je l’eus préféré plus académique et docte, et délesté de ce ton fougueux ou nerveux qui rappelle les magazines d’investigations.
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Ce weekend, nous eûmes la grande joie de rendre visite à notre excellent ami Yb, ainsi qu’à son épouse et son fils, tout aussi excellents et tout au plus adorables, dans les environs d’Uzès. (suite…)


Où est-ce?

A propos de l’émission diffusée sur France culture (le trois Mars et le deux Août)
Avec Laurent Sedel, chirurgien orthopédiste et chef de service à l’hôpital Lariboisière. Et Philippe Hubinois, chirurgien lui aussi, docteur en droit et en philosophie.

Index bibliographique :

Vie et pratiques du métier de chirurgien : Minutie et responsabilité

Laurent Sedel, La déprime du bistouri, Article du Monde , 13Nov.
Philippe Hubinois, Petite philosophie de la chirurgie, Michalon, 2007
Paul Valéry, discours aux chirurgiens, L’Homme et la coquille (Variété V)
Antoine Sénanque, Blouse, Grasset, 2004
Antoine Sénanque, La grande garde, Grasset, 2007

Difficultés du métier face au principe de précaution et à la « judiciarisation »

René Descartes, citation, sur les certitudes de la méthode
Michel Schneider, sur la plainte
Emmanuel Levinas, citation, « la certitude que tous nos malheurs nous viennent du prochain, que de tout il y a responsabilité, le droit d’accuser et de juger, la civilisation, c’est peut-être cela : un monde qui ait un sens ».
Platon, apologie de Socrate, sur la présence d’un Daiemon qui vous empêche de faire la démesure par les limites de sa propre morale

Coordination, corps de métier et solidarité, autorité de compétence

André Gorz, Adieux au prolétariat, Le Seuil, 1980
Federico Fellini, Prova d’orchestra, 1978
René Goscinny, Astérix et Cléopâtre, 1963
Marc Bloch, L’étrange défaite, Gallimard, 1940

Exigences : dureté, formation, technicisation

Leon R. Kass, Beyond Therapy: Biotechnology and the Pursuit of Happiness, discours, 2003
Antoine Robitaille, le nouvel homme nouveau, éd. Boréal, 2007
Axel Kahn, sur la faisabilité, la rentabilité, la légitimité des opérations

Si l’excellent blog, schizodoxe, le fait, il n’y a nulle raison pour que nous non plus, ne cédions à la tentation des conflits animaliers, très appréciés en soirée et certainement adrénaline de statistiques blogiers.


Je me demande toutefois pourquoi le crocodile est si loin de son étang, il y a comme qui dirait anguille sous roche, pour rester dans la métaphore bestiale.

Comme mon ami Gaudin m’a tout pris dans la compréhension et le décryptage du monde et de son cinéma, je suis cantonné à des espaces restreints, à quelques lagunes, telles que la critique des comédies romantiques (promis) et la banale chronique des anecdotes minuscules qui ont toutes leur place sur ce merveilleux weblog. C’est parti.
Alors que je regardais l’émission du jour de « Questions pour un champion » qui mettait en scène les exploits d’un bon belge penaud, j’ai souffert de la très désagréable impression de la clownerie que je croyais déchu à d’autres programmes conçus pour. Entre un candidat qui revenait dix-sept ans après sa première prestation, la mère d’une grande ex-candidate richement récompensée par le superjackpot, un homme brocanteur de son état, s’est illustré lamentablement. Sa passion, qu’il voulait faire partager dans un jeu de culture générale, est celle de l’imitation, de la mauvaise imitation. A chacune de ses interventions, qu’elles fussent ou réponses ou mots de présentation, nous eûmes droit à de mauvaises et méconnaissables imitations du plus haut degré de pathétique, atteignant dans son opiniâtreté, un sommet dans la honte parfaite. Notre homme voulant se placer probablement dans d’autres émissions où il aurait sa place, comme il le croit, persistait dans le comique de salle des fêtes, persistait dans d’intempestives. Je voulais juste passer un bon moment. Ce fut étrange et pénible.

Extrait de mon journal économique de comptoir du jour:

Dans une tribune du « New York Times », subtilement intitulée « French Connection », l’économiste Paul Krugman faisait récemment l’éloge du « modèle français » de l’Internet haut débit : un équilibre délicat entre compétition et régulation qui a produit des résultats spectaculaires en termes de prix et de débit (trois fois plus élevé qu’aux Etats-Unis). Et Paul Krugman de rappeler que la France était, à l’inverse, très à la traîne des Etats-Unis au début des années 2000 (pénétration américaine quatre fois supérieure alors). (suite…)

Un blogueur, certainement plus malin que les autres, s’étonne que parmi une conseillère d’Etat, un Adjoint au maire de Paris pour les questions culturelles, un directeur d’une grande station radiophonique, personne ne remarque comme lui, sur la base d’un faisceau de citations hétéroclites, que le « bouquin », la grande déculturation de Renaud Camus est « un torchon méprisable ». Je tiens humblement à le remercier, j’ai lu en janvier une version de ce livre, disponible sur internet, et je ne l’avais nullement constaté, même -honte et repentance- l’avais trouvé excellent. Nul ne devrait mésestimer le rôle des vigilants.

Pour ma part, j’ai cru, et je m’en excuse, qu’il s’agissait d’un essai sur les effets de l’hyperdémocratisation dans la culture, donnant une suite aux réflexions de Tocqueville ou d’Hannah Arendt dans crise de la culture, mais, pas du tout, tout aveugle et naïf que je fus (pardon!) c’est paraît-il, un livre qui ne préoccupe que de « distinctions raciales » (j’avais rien vu venir).

Par exemple :

Cet effet dévastateur de la démocratie dans des domaines qui sont incompatibles avec elle est d’autant plus foudroyant qu’elle est, lorsqu’elle y intervient, plus étroitement assimilée à sa valeur centrale, l’égalité. Ni la famille, ni l’éducation ni la culture ne peuvent s’accommoder de l’égalité. Encore les deux premières, et surtout la seconde, l’éducation, n’exigent-elles, pour remplir leur fonction dans la société, que sa suspension provisoire et de convention : durant le temps de sa formation l’enfant n’est l’égal, par convention, ni de ses parents ni de ses maîtres ; cela n’attente en rien à la fondamentale égalité de droits entre les individus et entre les générations (tour à tour, à mesure qu’elles arrivent chacune à maturité). Mais la culture est sur ce point plus radicale, plus stricte en ses exigences et en ses exclusions — l’égalité n’y est pas suspendue pour un moment, le temps d’une enfance, d’une heure de classe ou d’une année d’études : elle y est frappée d’un défaut de pertinence fondamental et définitif. Répétons-le, la seule relation concevable entre égalité et culture, et elle est très indirecte, et totalement extérieure à la culture elle-même, c’est l’aménagement difficile, très difficile, presque impossible, mais certainement souhaitable, d’un égal accès à cette inégalité radicale, à ce lacis d’inégalités principielles, la culture.

Se cultiver, c’est se rendre inégal à soi-même. C’est aussi — mais ce point est déjà beaucoup plus difficile à faire admettre en société hyperdémocratique (laquelle n’est en aucune façon, précisons-le une fois de plus, l’achèvement suprême, le couronnement, l’épitomé de la démocratie politique, mais sa transplantation impérialiste dans des domaines qui lui sont étrangers), et d’ailleurs il n’est pas d’une importance primordiale, mais il est néanmoins incontestable — c’est aussi se rendre inégal aux autres, à ceux qui sont moins cultivés : non pas certes inégal juridiquement, mais culturellement ; non pas en droit, mais en esprit. Il n’était pas sans importance qu’on parlât jadis, et il est significatif que le terme soit à peu près tombé en désuétude, peut-être à cause des ses relations déplaisantes avec l’élevage, d’élever les enfants ; et d’enfants et de personnes plus ou moins bien ou mal élevés. J’aime mieux retenir les liens suggérés, ou mis en avant par le terme, avec l’élévation. Se cultiver c’est s’élever, apprendre à voir les choses et le monde de plus haut.



Suite à une discussion engagée avec l’ami roulio, qui me reprochait de ne voir les choses qu’avec des yeux de Finkie, je me suis demandé dans mon maigre for intérieur, si je n’étais que cassandre et si je me conformais complaisamment à l’idée exprimée par Houellebecq dans un journal chilien : « les français prennent un plaisir masochiste à l’auto-dénigrement ».
J’avoue me surprendre de temps en temps à la recherche de textes inquiets et décadentistes et ne plus croire les textes optimistes, surtout concernant l’éducation nationale, la culture ou la civilisation, mœurs et rapports humains. J’ai inclination à n’y voir que naïveté et ravissement propre aux « ravis de la crèche ». Pourtant, sur d’autres fronts, économiques ou techno-scientifiques, par exemple, je me situe au strict opposé des jubilations noires et nihilistes des prophètes du malheur capitaliste qui promettent la fin du système économique aux moindres de ces toussotements. De même, j’ai beaucoup de mal avec les lobbys obscurantistes qui s’inquiètent violemment des derniers progrès, car j’ai foi en la science, quand ceux-ci ne veulent que précautions et décroissance sous le joug du statu quo et de la violence nihiliste.

La saison régulière de Répliques -la vingtième- se clôturait cette semaine par le jeu des rediffusions. Le producteur en vacances, nous livre en play off son cinq majeur. L’oeuvre et le destin de Mihail Sebastian (1ère dif.: 15/12/07) , Cultiver notre jardin (1ère dif.: 01/12/07) , Les métamorphoses de la parenté, La médecine face à la demande de suicide assisté, Sur les pas de Paul Valéry. Je ne les ai pas encore entendues pour certaines, ce sera l’occasion de les connaître ou de les réécouter pour d’autres. Même si « cultiver notre jardin » fut plaisant sans plus, l’émission traitant de l’œuvre de Paul Valéry fut un sommet incontournable. Il est vrai que les émissions littéraires sont souvent les plus réussies à mon goût. J’ai conservé, en effet, d’excellents souvenirs de « Six parmi six millions », « Avez-vous lu Thibaudet ? » ou « Louis XVII dans la littérature ». La saison vingt a, il faut le reconnaître, hélas, pêché par sa volonté de se soumettre à l’immédiate actualité et aux polémiques du moment, et quelque fois lassé le suiveur que je suis (mais qui veut écouter une nouvelle fois Cohn-Bendit ou Jean Daniel ?). Les coups d’éclat, comme l’intrusion de nostalgiques de soixante-huit ou le coup bas des confrères ont nui à la sérénité de l’émission. Les samedis matins, à neuf dix, le bol d’eau chaude et de café en poudre sur la table, les notes pour la concentration, n’ont pas toujours été des parties de plaisir, toutefois j’attends déjà avec impatience le programme de la vingt-et-unième saison.